Talent

Certificat de travail négatif : comment bien le décoder pour trouver les messages cachés ? 

icon calendar 9 septembre 2025

En Suisse, un certificat de travail est un document rédigé par l’employeur pour décrire les fonctions, les performances et le comportement d’un salarié. Il peut être demandé à tout moment ou remis à la fin du contrat.

Ce document doit respecter trois principes : être véridique, objectif et bienveillant. Mais dans certains cas, ces contraintes poussent les employeurs à utiliser des formulations ambiguës pour exprimer des réserves… sans le dire ouvertement.

Voici comment les repérer et réagir en cas de doute.


A retenir :

  • En Suisse, un certificat de travail doit être véridique, objectif et bienveillant, selon l’article 330a du Code des obligations.
  • Lorsque l’employeur souhaite exprimer une réserve, il utilise parfois des formulations ambiguës pour rester dans le cadre légal.
  • Cette pratique a donné naissance à un langage codé RH, connu des recruteurs suisses, qui permet de faire passer des messages sans critique explicite.
  • Certaines phrases peuvent cacher un jugement négatif.
  • L’absence de superlatifs ou d’informations attendues (ponctualité, autonomie, relationnel) est souvent révélatrice d’un message sous-entendu.
  • En cas de doute, il est conseillé de demander des explications à l’employeur, puis de proposer une reformulation si nécessaire.
  • Si le litige persiste, un salarié peut saisir les Prud’hommes ou obtenir conseil auprès d’un syndicat ou d’un service juridique.
  • Un certificat mal interprété peut nuire à une candidature. Il est donc crucial de savoir repérer les tournures équivoques et agir vite.

Pourquoi certains certificats de travail contiennent des messages implicites ?

Un cadre légal strict qui interdit les critiques explicites

En droit suisse, l’employeur est tenu de remettre un certificat de travail à tout salarié qui en fait la demande. Ce document doit être à la fois véridique, complet, clair et bienveillant (article 330a du Code des obligations). Il ne peut en aucun cas nuire à la suite de carrière de l’employé.

Mais ce principe de bienveillance entre parfois en tension avec l’obligation de vérité. Lorsqu’un collaborateur a présenté des difficultés ou des lacunes, l’employeur ne peut pas l’écrire noir sur blanc. Il doit alors contourner la contrainte juridique, en optant pour des formulations neutres… qui disent parfois tout l’inverse de ce qu’elles laissent entendre.

Un langage codé devenu pratique courante

Ce paradoxe a donné naissance à un style rédactionnel particulier, parfois qualifié de « langue de bois RH ». Certaines tournures, en apparence neutres, voire positives, servent en réalité à signaler un comportement ou une performance problématique, sans tomber sous le coup de la diffamation.

Il ne s’agit pas de « codes secrets » au sens strict. Mais plutôt d’un registre lexical partagé par les recruteurs, les RH et les spécialistes du marché suisse de l’emploi. Celui-ci permet d’émettre un jugement sans jamais le formuler directement, tout en respectant la législation.

Ce registre implicite peut apparaître aussi bien dans le certificat final que dans un certificat de travail intermédiaire, souvent demandé en cours de contrat lors d’un changement de hiérarchie ou avant une mobilité.

Les formulations à surveiller dans un certificat de travail

À première vue, un certificat de travail peut sembler neutre, voire élogieux. Mais certains termes ou l’absence de formulations attendues peuvent laisser entendre que l’employeur émet des réserves. Un service RH doit donc prêter attention au choix des mots, à la structure des phrases et aux éventuels oublis.

Une première alerte concerne les expressions ambiguës, souvent utilisées pour atténuer un jugement négatif. Par exemple, la formule « s’est efforcé de réaliser ses tâches » laisse entendre que les résultats n’étaient pas au rendez-vous, malgré une bonne volonté affichée. De même, dire qu’un salarié « a accompli ses tâches avec satisfaction » peut paraître positif, mais reste en réalité très en dessous des standards habituels d’un bon certificat suisse.

Un autre indice est l’absence de superlatifs. Dans la culture RH suisse, on attend en général des formulations précises, comme « nous avons été pleinement satisfaits » ou « il a donné entière satisfaction ». Lorsqu’un certificat se contente d’indiquer « il nous a donné satisfaction », cela peut traduire une appréciation tiède, voire un jugement réservé.

Enfin, il convient de noter les omissions significatives. Lorsqu’un certificat ne mentionne pas le comportement avec les collègues, la ponctualité, ou l’autonomie, cela n’est pas toujours un oubli. L’absence volontaire d’un élément-clé peut être une manière indirecte de signaler un point faible, sans contrevenir à l’obligation de bienveillance.

Exemples concrets de formulations sur le certificat de travail et leur interprétation

Certaines tournures de phrase, bien qu’apparemment anodines, peuvent cacher une appréciation négative. Voici quelques exemples fréquemment rencontrés dans les certificats de travail suisses, avec leur signification possible dans le contexte du marché de l’emploi.

« Il a toujours su détendre l’atmosphère au sein de l’équipe. »
Une telle phrase peut, à première lecture, sembler positive. Pourtant, l’absence de référence au sérieux ou à l’implication du salarié laisse penser que l’ambiance était sa priorité… au détriment du travail. Elle peut suggérer un comportement déplacé ou une attitude jugée peu professionnelle.

« Elle s’est acquittée de ses tâches avec diligence. »
Ici encore, la formulation paraît correcte. Mais elle ne dit rien de la qualité du travail fourni, ni du niveau de satisfaction de l’employeur. Le terme « diligence » insiste sur l’exécution mais reste flou sur les résultats. Cela peut laisser entendre que la collaboratrice a fait le minimum attendu, sans plus.

« Il a fait preuve d’une grande discrétion. »
Dans certains contextes, cette phrase est utilisée pour saluer une attitude respectueuse. Mais en l’absence d’autres éléments positifs dans le certificat, elle peut trahir un manque d’initiative, un effacement excessif, voire une intégration sociale limitée au sein de l’équipe.

Ces exemples montrent que c’est souvent l’absence de ce qui devrait être dit, autant que ce qui est formulé, qui permet de détecter un message sous-jacent. Pour mieux comprendre les formulations adaptées, vous pouvez consulter un modèle de certificat de travail Suisse, rédigé selon les usages les plus répandus.

Comment réagir face à un certificat de travail ambigu ou considéré comme négatif ?

En tant que salarié, si vous recevez un certificat de travail dont certaines formulations vous semblent ambiguës ou incomplètes, il est légitime de chercher à en comprendre le sens. Vous pouvez d’abord contacter l’ancien employeur pour demander des clarifications. Dans bien des cas, les tournures floues résultent d’une maladresse plutôt que d’une intention malveillante.

Si les expressions employées portent à confusion, ou si des éléments importants (comme votre ponctualité ou votre autonomie) sont absents, vous avez le droit de demander une rectification. L’article 330a du Code des obligations suisse prévoit cette possibilité. Il suffit d’adresser une demande écrite et argumentée à l’employeur.

En cas de refus ou de désaccord persistant, vous pouvez solliciter un syndicat, une permanence juridique, ou, en dernier recours, saisir les Prud’hommes. La plupart des conflits de ce type se résolvent toutefois à l’amiable, surtout si vous proposez une version alternative du certificat.

Un certificat de travail négatif n’est presque jamais frontal. C’est justement ce qui le rend difficile à interpréter. Pour éviter toute mauvaise surprise lors d’un recrutement, il est essentiel de savoir lire entre les lignes, identifier les formulations à double sens et agir rapidement en cas de doute.